Réflexions à partir d’un article du Monde du 30-03-2018 : « Comment l’OTAN se prépare aux guerres du futur »

L’article reportait les propos du général Denis Mercier, à la tête du commandement suprême allié pour la transformation de l’OTAN (SACT), recueillis le 24/03/2018 par Nathalie Guilbert.

En résumé

Dans une démarche proactive et rassurante pour notre sécurité future, l’OTAN s’engage dans une démarche d’innovation tirant parti des nouvelles technologies avec une approche particulière saine et raisonnée dont toutes les entreprises pourraient utilement s’inspirer, dans leur contexte économique et commercial et non militaire.

Pour l’OTAN, la ressource stratégique, c’est la donnée

Interrogé sur la manière dont l’OTAN devrait intégrer les nouvelles technologies comme l’IA, l’impression 3D, etc., le général Mercier déclare :

Ces technologies changent considérablement la manière dont les militaires vont aborder les futurs conflits parce qu’elles changent tout simplement notre monde, et toutes les grandes organisations. La ressource stratégique, autour de laquelle doivent tourner les débats de l’OTAN, c’est la donnée.

Deux notions importantes se dégagent des mots du général :

  • La transformation (« elles changent notre monde ») : Les dirigeants d’entreprises doivent urgemment comprendre que, pour eux aussi, leur monde change et qu’ils doivent aborder différemment le futur de leur entreprise dans la guerre économique et non militaire dans laquelle ils sont engagés.
  • La donnée (« la ressource stratégique, c’est la donnée ») : Apprécions la formulation synthétique et percutante du militaire (c’est dans l’ADN des armées). Les dirigeants doivent prendre conscience que pour l’entreprise également, la donnée est devenue une ressource stratégique. Ce qui implique de repenser la manière dont on la traite pratiquement à l’intérieur de l’entreprise : La donnée n’est plus seulement l’affaire des divisions opérationnelles de l’entreprise, cela devient l’affaire du comité exécutif qui doit s’en saisir et indiquer aux opérationnels des objectifs data, des règles data (à commencer par le partage entre les divisions jalouses de leur pré carré) et des moyens data.

Les technologies sont là mais nous ne les utilisons pas

Un peu plus loin, le général déclare :

Selon les spécialistes de l’IA […], l’enjeu immédiat, pour nous, est de comprendre que ces technologies sont déjà là, mais que nous ne les utilisons pas. […] Les machines doivent nous aider à mieux assurer les valeurs de l’OTAN, à éviter une crise, à faire baisser la tension, en vue de la stabilité du monde.

Combien de PME et grandes entreprises sont comme l’OTAN ? Où même dans une pire situation car au moins, l’OTAN est consciente de son retard. Tout le monde a entendu parler de l’IA (intelligence artificielle) car tout ce qui est grand public est en train de se faire repeindre à l’IA à vitesse grand V. Mais le relooking à l’IA de la plupart des produits ou services tient plus du gadget, même parfois un peu ridicule, que d’un changement de paradigme. Et pourtant, bien utilisée, appliquée sur des secteurs étroits comme peuvent l’être certains process d’entreprise, l’exploitation intelligente des données peut apporter des gains de productivité, de qualité, de fiabilité, considérables.

Faire différemment et mieux ce qu’on fait déjà

On voit également dans les propos du général que les valeurs et les objectifs de l’OTAN ne sont pas remis en cause bien au contraire. Là aussi, dans l’entreprise, il n’est pas besoin de se demander ce qu’on pourrait faire de nouveau grâce à ces technologies (même s’il n’est pas interdit de se poser ce genre de question) mais surtout comment on pourrait faire différemment et mieux ce qu’on fait déjà. Plus le secteur que l’on considérera sera étroit, mieux ces technologies fonctionneront. Evidemment, plus le secteur sera étroit, plus le gain global sera faible. C’est pourquoi le choix du/des point(s) d’application est essentiel : choisir des points stratégiques, des points de blocage, des goulots d’étranglement apportera la plus haute valeur ajoutée.

L’organisation en est bouleversée

A une relance de la journaliste sur la conception des opérations militaires, le général répond :

Les directives militaires descendent en cascade jusqu’au soldat, au pilote, au marin. La révolution numérique ne consiste pas à rendre ces ordres plus fluides par la digitalisation, mais à repartir du soldat : on va réfléchir aux données dont il a besoin pour que, lorsqu’il identifie une information, elle aille alimenter un cloud, qui permette ensuite par exemple de désigner une cible, et en fonction du niveau de décision choisi au préalable, quelqu’un d’autre ouvrira le feu.

Remarquable clairvoyance ! On voit que c’est tout le processus de décision militaire qui est bouleversé par ces technologies : l’irruption du bottom-up et du réseau horizontal dans un process qui était essentiellement top-down (qui ne disparaîtra pas totalement pour autant). De même dans l’entreprise ! On ne plaque pas ces technologies à organisation et process constant. L’efficacité sera optimale lorsqu’on aura réfléchi simultanément aux données (de l’acquisition à l’exploitation intelligente), aux processus, à l’organisation et in fine, aux hommes et aux femmes concernés. C’est bien sûr une sacrée remise en cause pour les dirigeants d’abord mais aussi pour toute l’entreprise.

La blockchain pour garantir la fiabilité des données

Le général Mercier indique aussi :

Le système doit fournir des données fiables pour prendre la bonne décision. […]. Nous allons organiser un premier brainstorming au printemps sur ce sujet, en utilisant une technologie de « blockchain » pour assurer la traçabilité des données. Cette technologie s’applique à de nombreux domaines, comme l’identification des forces amies et ennemies.

Pour prendre une bonne décision, il vaut mieux s’appuyer sur des données fiables que l’on soit dans l’armée ou dans une entreprise soumise au secteur concurrentiel. Dans l’entreprise, les données sont souvent répliquées, accolées à d’autres, agglomérées, transformées (pour de bonnes raisons sur le moment d’une situation donnée). Mais on sait, lorsqu’on migre un vieux système vers un nouveau, qu’il faut être extrêmement prudent avec les données du vieux système qui peuvent avoir pas mal « bourlingué ». Comme pour l’OTAN, les solutions à base de blockchain peuvent aider à garantir une donnée à sa source et dans la durée.

Le décideur « augmenté » pourra mieux anticiper

« Les technologies du big data seront capables de détecter des signaux précurseurs impossibles à voir aujourd’hui. […] Le prédictif ne doit pas faire peur s’il s’agit de donner plus de moyens d’anticiper à nos décideurs » indique le général en parlant des états-majors.

On n’emploie plus guère ce mot d’état-major pour parler du COMEX mais le propos s’applique à 100% à nos entreprises. La première qualité d’un décideur est sa capacité à anticiper et si possible à anticiper juste. Là aussi, s’il dispose d’information sur des signes précurseurs, ses capacités naturelles d’anticipation seront multipliées. Et comme le dit le dicton (ou presque) : Une entreprise avertie en vaut deux.

 

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